[par Lucien Suel]
Mur Saint-Martin, Paris.
Généalogie des poèmes express
Brion Gysin et William Burroughs inventèrent le procédé du cut-up en 1959, à Paris, au Beat Hotel, rue Gît-Le-Cœur. Ayant lu, en 1970, La Machine molle et Le Ticket qui explosa, par imitation, je commençai mes premiers cut-up. On en trouve la trace dans Sombre ducasse paru en 1988, et réédité récemment aux éditions Qazaq.
Dans les années 70 et 80 du XXe siècle, j’expérimentai cette « méthode d’écriture » avec tout ce qui me tombait sous la main, prospectus, tracts, catalogues, romans, ouvrages scolaires. En même temps qu’une façon de contrer –modestement- le discours dominant de l’état et des superstructures, en coupant les lignes d’association, c’était aussi un moyen de produire une poésie mécanique dans laquelle les images ne se créaient pas dans le cerveau -à l’instar des Surréalistes- mais directement sur le papier par un procédé technique, un simple coup de ciseaux et un collage, désorganisant-réorganisant les mots et les pages.
Évidemment, le cut-up, bien que réalisant une sorte de recyclage écologique, produisait à son tour, par le biais des coupes aléatoires, des déchets sous la forme de fragments de mots, copeaux de signifiants sans signification. Rapidement, pour des raisons esthétiques et pour satisfaire mon cartésianisme sous-jacent, je résolus de faire disparaître ces lettres inutiles en les caviardant à l’encre noire. Lorsque je décidai de supprimer l’usage des ciseaux en le remplaçant par ce que j’appelai –un peu pompeusement- le « cut-up mental », lequel consistait en une sélection, mi-aléatoire, mi-raisonnée, des mots ou groupes de mots à laisser sur la page, le « poème express » naquit.
En 1989, je codifiai la chose en lui donnant un nom et un format, en choisissant la matière première dans des romans de gare à deux sous –romans policiers ou sentimentaux-, en les signant et en les numérotant.
Le poème express, dérivé des expérimentations de la Beat Generation, est aussi, dans mon esprit, cousin des productions dadaïstes –les mots dans un chapeau de Tristan Tzara et les poèmes simultanés d’Hugo Ball- et du ready-made de Marcel Duchamp.
Il permet en outre de soigner efficacement le fameux « vertige de la page blanche ».
Lucien Suel
La Tiremande, novembre 2015
Dans les années 70 et 80 du XXe siècle, j’expérimentai cette « méthode d’écriture » avec tout ce qui me tombait sous la main, prospectus, tracts, catalogues, romans, ouvrages scolaires. En même temps qu’une façon de contrer –modestement- le discours dominant de l’état et des superstructures, en coupant les lignes d’association, c’était aussi un moyen de produire une poésie mécanique dans laquelle les images ne se créaient pas dans le cerveau -à l’instar des Surréalistes- mais directement sur le papier par un procédé technique, un simple coup de ciseaux et un collage, désorganisant-réorganisant les mots et les pages.
Évidemment, le cut-up, bien que réalisant une sorte de recyclage écologique, produisait à son tour, par le biais des coupes aléatoires, des déchets sous la forme de fragments de mots, copeaux de signifiants sans signification. Rapidement, pour des raisons esthétiques et pour satisfaire mon cartésianisme sous-jacent, je résolus de faire disparaître ces lettres inutiles en les caviardant à l’encre noire. Lorsque je décidai de supprimer l’usage des ciseaux en le remplaçant par ce que j’appelai –un peu pompeusement- le « cut-up mental », lequel consistait en une sélection, mi-aléatoire, mi-raisonnée, des mots ou groupes de mots à laisser sur la page, le « poème express » naquit.
En 1989, je codifiai la chose en lui donnant un nom et un format, en choisissant la matière première dans des romans de gare à deux sous –romans policiers ou sentimentaux-, en les signant et en les numérotant.
Le poème express, dérivé des expérimentations de la Beat Generation, est aussi, dans mon esprit, cousin des productions dadaïstes –les mots dans un chapeau de Tristan Tzara et les poèmes simultanés d’Hugo Ball- et du ready-made de Marcel Duchamp.
Il permet en outre de soigner efficacement le fameux « vertige de la page blanche ».
Lucien Suel
La Tiremande, novembre 2015
Poème express n°363, collé sur le mur Saint-Martin, à Paris, du 12 mars 2015 au 22 juin 2015.
Crédits photos : jcaj, Piero Cohen-Adria, Patricia Tutoy.
Crédits photos : jcaj, Piero Cohen-Adria, Patricia Tutoy.