Archimou
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Point de croix

4/7/2015

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[par Nisan Gogo]
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Journal dans les arbres (fragments) 

28 janvier 
Je comprends deux kanji.Un que je prends pour midori et un que je reconnais comme étant yama. Le premier s’avère être mori. Moriyama. Mori, la forêt, Yama, la montagne. Ce photographe porte le nom d’une colline boisée.
Je marche.
Je regarde la luminosité ambiante.
Je m’imagine le matin.
Ça marche.
La chaise a disparu. Mais il y a plus de feuilles. Plus tard Il est venu me chercher et m’a demandé si je voulais aller au bois.
Je ne voulais pas aller au bois. Je voulais qu’il me prenne dans ses bras. Mais j’ai dit oui, si tu veux.
On s’est retrouvés au bois. Il y avait deux voitures garées tout phares éteints. Comme des carcasses d’animaux dont plus personne ne se souvient. Des crânes de dinosaures en métal.
On a fermé la voiture et les lumières. On s’est retrouvé dans le noir. Les autres voitures qui prenaient le virage plus loin plus haut derrière nous faisaient clignoter des tâches en bois sur les carapaces des troncs des platanes. Tâches de feuilles ou de papillons qui s’envolaient derrière nous. Je pensais qu’on allait s’enfoncer les pieds dans la boue jusqu’à la cheville mais le sol était dur de façon presque décevante.
Puis j’ai senti la peur primaire me titiller la moelle épinière, juste sous la naissance des cheveux. Juste au dessus du col de la chemise. La peur primaire du noir. La peur primaire de quand tu es petit et que tu es sûr qu’il y a quelque chose sous le lit, tout au fond.
Ça ne m’a duré que deux secondes, le temps d’inspirer et de souffler (“ça caille dis donc”) mais j’ai vu plein d’images, moi petit, moi dans le sous sol tapissé de toiles d’araignées, moi qu’on envoyait jouer dehors alors que la seule chose que je voulais c’était rester avec eux.
On a laissé nos yeux prendre le temps de s’ouvrir en marchant la tête vers le bas.
Un ours s’est pointé au fond dans l’ovale de l’entrée de la foret, arcane monde de feuilles mortes.
J’ai uriné sûrement sur des petits cadavres de petits animaux, sur des limaces éventrées, en chuchotant à peine et en écoutant le bruit des gouttes se confondre avec le bruit d’autres gouttes. Puis on a remonté les fermetures à glissières vers les portières et on a refranchi l’arcane.
Et, plus tard, il m’a pris dans ses bras et j’ai enfin pu pleurer.  

16 juin  
Aller dans les allées du Boisdhyver à la fin du printemps recharger avec du soleil les petits sacs à dos qu’on ouvrira dans sa tête une fois qu’on sera sous les néons, au bureau. Choisir la plus longue herbe possible et pêcher des libellules et des papillons.  

30 janvier  
Rêve : place de village ou petite place parisienne avec portail noir. À l’intérieur, un arbre et des graviers blancs. Un temple. Meji-jingu. Yoyogi. Et les dieux défilent devant moi.
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    L'éditorial d'Archie Mew
    Photo
    Après les ballons de baudruche (n°1) et les masques (n°2) qui ont prouvé à petite échelle que le monde est un melon (mou, volant), on a cette fois décidé de grimper aux arbres, pour y construire une cabane. 

    Archimou, la revue qui change de forme comme de chemise (veau moulant).

    Le support choisi pour le 

    n°3 peuple les forêts et les mails de nos centres-villes : l'arbre, l'arbre, pour ses possibilités mutantes et ses ramifications & l'arbre-bras qui repousse quand on croit l'avoir scié, cousin de "l'archibras", cet appendice magique décrit par Fourier : "avec son appui un homme atteint une branche de 12 pieds de hauteur, saute sur l'arbre et descend de même, va pincer des fruits à l'extrémité de l'arbre et les rassemble dans le panier noué à l'archimain."

    On n'oublie pas l'arbre-barbe, cette forêt de poils où des oiseaux crasseux font leur nid & l'arbre-bar, où l'on réécrit sa vie au milieu d'inconnus stupéfiés. Le bistrot va fermer, mais personne ne veut sortir. Poèmes en bois, histoires tirées par les cheveux.

    L'arbre est un poing rempli de veines, et chaque invité de ce n°3 y a greffé une radicelle, s'amusant à écrire sur un tronc, plantant un arbre à coussins, tétant un buste ou faisant éclater un bouton d'herpès. On fit feu de tout bois dans l'Aisne, à Tokyo, dans la Drôme, à Montevideo ou à La Plata, en Bresse ou à Cordoue, etc. 

    Au registre généalogique, sériel et sérieux, qui mise tout sur la descendance, l'arbre préfère l'embranchement. Allons jeter un oeil chez Supervielle : "Chaque arbre est un archer qui lance des oiseaux" L'arbre en forme de lance-pierres, qu'on met en mouvement pour trouer la cible, les nuages et l'air. 

    Dans une des ses greguerias, petites phrases proches de l'aphorisme, le fieffé Gómez de la Serna, qui fricota avec paquet d'avant-gardes du 
    XXe s., décoche une belle flèche : "Changé en braise le charbon se souvient de tout, y compris de quand il était un arbre vert, dans un monde plein d'espoirs."  La possibilité commence en forêt ou le long d'un chemin de noyers. Ombres et saules. Ifs. Peupliers peuplés. Et que dire des hêtres.

    "Moi qui suis tout ce que je forme
    Je ne me savais pas feuillu."
    Comme Supervielle le pressentait, on abrite des êtres à feuilles.

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