[par gnoir]
Loup de peau d'où sort l'épi et la liquette : je suis né de ce loup dont les hommes d'avant se paraient, ô galette, quand sonnait le fifre.
Loup meurtrier comme une procédure, le piège constitué de feuilles de papier tranchantes, en double exemplaire et signées, loup surgissant dans une assemblée de copropriétaires. C'est l'époque moderne.
Une voix : « Vous reprendrez bien une coupe. » L'autre : « En bonne et due forme. » J'enfile mon masque de doryphore, puis celui de loup-garou, ô manie, avant d'opter pour le phasme. On peut être un jour poète à citations complexes, administrateur de biens le lendemain, et troubadour le jour d'après, crieur et rimailleur, guignon, troufion. Loup-buis qui épie les passants pour s'en inspirer et être comme eux, être eux, sous une lumière moirée.
Loup-gare dont je ne veux pas me rappeler le nom, dans le Midi, une ville couverte de panneaux de signalisations, loup-loupe qu'on arbore pour mieux voir, c'est une sorte de deuxième corps fabriqué avec des feuillages : j'ai grandi à l'ombre de ces thuyas noirs, à l'aune d'une zone commerciale, dans un lotissement au gazon bien taillé.
A l'entrée du pavillon familial, il y avait un arbuste dont la silhouette rappelait une tête de vieillard : les grives s'y nichaient. Le matin la tournée du facteur rythmait le chant de criquets, et dans la rue le couvercle des bennes à ordures claquait à intervalles réguliers, comme un squelette hilare. Des enfants me piétinaient en passant, les adultes m'oubliaient sous le pli d'une peau en proie aux interversions : j'attendais mon heure, ô molette, avant de frapper.
A l'époque, je valais moins d'un fifrelin. Loup-stick qu'on fumait entre rejetons de la classe périurbaine, en confectionnant une nouvelle langue, faite d'onomatopées. On me confondait avec la mante religieuse, on disait "l'insecte" ou "l'araignée". Loup-bong qu'on s'envoyait. Le genre de créature qu'on enfouit sous un parterre de fleurs en priant pour qu'elle ne revienne pas sous la forme de cochenille.
L'épidémie de masques, ô fossette, comme dans les films d'épouvante qu'on matait avec de faux amis.
Loup-phoque dont je me pare avant de partir à la guerre, car on ne massacre bien que masqué. Loup-cri d'assaut : « Hululez loulous ! » Loup-fox-trot, chargé de menaces : « Moulez mou ! Pliez les genous ! » A la sortie de l'adolescence, un éclat de rire zoulou, peut-être le mien, qu'on entend jusqu'au square, pendant que les nounous transformées en insectes, mascara et six-pattes, fondent sur les bébés, pour les enlever. Il y a un mauvais geste.
Conseil de guerre au lotissement, les gens : à enfiler heaumes et masques à gaz, queues de pie, puis le mot de ralliement, "faut l'alamer", la troupe qui veut lyncher, et le cliquetis de leurs bottes cinglées.
L'affaire expédiée en quelques minutes : on m'affala. Après avoir arraché l'insecte qui me servait de masque, on m'alama.
Loup meurtrier comme une procédure, le piège constitué de feuilles de papier tranchantes, en double exemplaire et signées, loup surgissant dans une assemblée de copropriétaires. C'est l'époque moderne.
Une voix : « Vous reprendrez bien une coupe. » L'autre : « En bonne et due forme. » J'enfile mon masque de doryphore, puis celui de loup-garou, ô manie, avant d'opter pour le phasme. On peut être un jour poète à citations complexes, administrateur de biens le lendemain, et troubadour le jour d'après, crieur et rimailleur, guignon, troufion. Loup-buis qui épie les passants pour s'en inspirer et être comme eux, être eux, sous une lumière moirée.
Loup-gare dont je ne veux pas me rappeler le nom, dans le Midi, une ville couverte de panneaux de signalisations, loup-loupe qu'on arbore pour mieux voir, c'est une sorte de deuxième corps fabriqué avec des feuillages : j'ai grandi à l'ombre de ces thuyas noirs, à l'aune d'une zone commerciale, dans un lotissement au gazon bien taillé.
A l'entrée du pavillon familial, il y avait un arbuste dont la silhouette rappelait une tête de vieillard : les grives s'y nichaient. Le matin la tournée du facteur rythmait le chant de criquets, et dans la rue le couvercle des bennes à ordures claquait à intervalles réguliers, comme un squelette hilare. Des enfants me piétinaient en passant, les adultes m'oubliaient sous le pli d'une peau en proie aux interversions : j'attendais mon heure, ô molette, avant de frapper.
A l'époque, je valais moins d'un fifrelin. Loup-stick qu'on fumait entre rejetons de la classe périurbaine, en confectionnant une nouvelle langue, faite d'onomatopées. On me confondait avec la mante religieuse, on disait "l'insecte" ou "l'araignée". Loup-bong qu'on s'envoyait. Le genre de créature qu'on enfouit sous un parterre de fleurs en priant pour qu'elle ne revienne pas sous la forme de cochenille.
L'épidémie de masques, ô fossette, comme dans les films d'épouvante qu'on matait avec de faux amis.
Loup-phoque dont je me pare avant de partir à la guerre, car on ne massacre bien que masqué. Loup-cri d'assaut : « Hululez loulous ! » Loup-fox-trot, chargé de menaces : « Moulez mou ! Pliez les genous ! » A la sortie de l'adolescence, un éclat de rire zoulou, peut-être le mien, qu'on entend jusqu'au square, pendant que les nounous transformées en insectes, mascara et six-pattes, fondent sur les bébés, pour les enlever. Il y a un mauvais geste.
Conseil de guerre au lotissement, les gens : à enfiler heaumes et masques à gaz, queues de pie, puis le mot de ralliement, "faut l'alamer", la troupe qui veut lyncher, et le cliquetis de leurs bottes cinglées.
L'affaire expédiée en quelques minutes : on m'affala. Après avoir arraché l'insecte qui me servait de masque, on m'alama.